Atelier de fabrication

Fabrication de papier et de carnet

Sophie Lafay est illustratrice-graphiste et a déjà travaillé pour l’association Coloé, notamment en illustrant des petites histoires racontées pour les enfants. Pendant que les parents suivaient la formation, les enfants pouvaient apprendre à fabriquer du papier et un carnet. La responsable de cette activité, Sophie Lafay, était aidée par deux adultes connaissant déjà certains enfants et deux autres adultes si les tâches à réaliser le nécessitaient. L’ensemble du matériel de fabrication a été préparé en amont de l’atelier.
Pour rendre compte de cette activité, nous donnons la parole à Sophie Lafay :

Peux-tu nous présenter cet atelier ?

Sophie Lafay : Il y avait deux activités distinctes proposées aux enfants. Le premier était la confection d’un carnet avec un travail de reliure et la découverte des outils de la reliure, à savoir le plioir, qui est un outil qui permet de forcer et d’ajuster le pli, le poinçon pour perforer le papier, les fils, l’aiguille et l’enfile-aiguille qui sont des outils de couture que l’on utilise aussi en reliure. Un élément est pour moi important : c’étaient des outils qu’ils pouvaient retrouver chez eux. Et il y avait un autre atelier qui était la fabrication de papier. Ils ont appris à recycler du papier eux-mêmes. Ils ont appris à personnaliser le nouveau papier avec des épices pour donner des couleurs au papier qu’ils fabriquaient. Et là aussi, c’était sur du matériel qu’ils avaient potentiellement chez eux. Ils peuvent donc reproduire cette activité, chez eux, à la maison.

Comment s’est déroulée la semaine ?

SL : Les ateliers ont été divisés pour ne pas les presser et prendre le temps de comprendre les objectifs de l’atelier et de ne pas tout finir en même temps.
J’avais apporté un livre exemple et l’objet fini était une aide pour qu’ils puissent se projeter. J’avais prévu des panneaux avec les étapes, mais je ne les ai pas sortis. J’ai préféré partir avec des questions et construire ensemble ; c’était moins scolaire ; c’était un jeu de devinette fluide.
On a commencé par récupérer des plantes dans le jardin pour avoir des plantes séchées que l’on allait intégrer dans le papier fabriqué et dans la couverture du carnet. Comme il y avait un taux d’humidité important, on a dû laisser sécher les plantes au moins trois jours. En attendant, on a fait le carnet. Mardi, confection du carnet, sans la couverture et on a fait la reliure. Mercredi, jeudi, confection du papier et vendredi confection de la couverture et après mise en place de l’exposition.

Quelle a été la participation du staff ?

SL : Deux personnes ont aidé à la réalisation. Mélanie connaissait des enfants et connaissait leurs difficultés spécifiques. Nathalie aidait également les enfants. Deux autres personnes, Christine et Christina, sont venues pour soutenir certaines activités plus délicates. La reliure par exemple, on s’est retrouvé avec un animateur par enfant ce qui était absolument nécessaire.
Pour la réalisation du papier, il y avait beaucoup moins de difficulté ; cela s’est fait naturellement ; il y avait moins de staff et l’activité a très bien fonctionné

Le nombre d’enfants était-il stable ?

SL : Le premier jour, l’atelier a peu motivé les enfants : sur les huit, seuls deux sont venus pour ramasser les feuilles. En fait, l’atelier arrivait un peu trop tardivement dans la journée : la randonnée de la demi-journée avait été fatigante, l’heure de l’atelier en fin d’après-midi alors que la piscine était à côté et tentante. Tout cela a conduit à programmer l’atelier en matinée pour les jours suivants… et donc la formation des parents ! Le mardi remobilisation des enfants en changeant le terme « herbier » par « carnet » avec ce mot avait un potentiel plus ouvert et attirant les curiosités ; l’atelier était en matinée et c’était mieux. Les autres jours, les sept enfants ; pour le papier six enfants. À la fin, il y a eu une exposition avec toutes les étapes de la semaine et la scénographie a été pensée par un enfant. Les parents ont été surpris à la fois des travaux réalisés et de la présentation.

Y avait-il des outils dangereux qui pouvaient gêner l’activité ?

SL : Ce ne sont pas les outils, mais la manipulation qui gênait. Là je vais parler de la reliure où j’avais réadapté l’atelier en me demandant si j’allais utiliser les outils. J’ai réadapté la reliure et la technique pour que les enfants soient dispensés d’utiliser le poinçon et les aiguilles. Or, en fait, les enfants étaient très curieux d’utiliser ces outils, poinçons et aiguilles. Donc ils ont testé le côté pointu, en disant oui en effet, ça pique. Mais ils n’ont pas été violents avec ça, ils n’ont pas joué avec ça et ils n’ont perdu aucune aiguille. Et ils ont voulu relier avec les aiguilles. Donc moi, j’avais anticipé un potentiel accident et en fait, ça s’est très bien passé avec ces outils-là.
Pour le papier, il n’y avait pas de matériaux dangereux. Je n’ai pas eu à réadapter quelque chose. Et comme c’est jouer avec de l’eau, cela reste attractif. L’activité paraît « moins sérieuse » que la reliure.

As-tu observé des moments particuliers ?

SL : Il y a eu plusieurs choses. La première a été la fierté quand ils ont fait la reliure, de voir qu’ils avaient été capables de fabriquer quelque chose. De voir qu’ils ont construit quelque chose de beau à la fin : de la reliure et de la fabrication du papier à la couverture du carnet. Et la fierté ; ça, c’est un truc que je voyais dans tous les enfants : de se dire « waouh, j’ai fait ça ». « C’est mon papier, c’est mon carnet » et la fierté exprimée par « je veux le montrer à mes parents », de voir « j’ai fait quelque chose de bien, j’en suis conscient et je suis fier de ça ». C’est une expérience que j’ai avec des enfants « neurotypiques ». Je l’ai retrouvé complètement avec eux.


Un enfant étant tellement débordant d’émotions qu’il s’emmêlait les pinceaux avec les mots, il avait la capacité de sortir plein de mots et de ne pas construire la phrase. Il y avait ce côté « j’ai les émotions, j’ai les mots, mais je ne sais pas, je n’arrive pas à contrôler tout ça ; donc je sors tout et c’est à l’interlocuteur de remettre le puzzle en place ». Cela témoignait de quelque chose qui l’avait transcendé aussi.


Un autre enfant qui était plutôt agité, à courir partout par exemple, pour aller chercher les feuilles. Et quand il a été à la reliure, il a été très méticuleux, très posé, très calme, très concentré. Incroyable contraste ! Et lui aussi, il a réalisé quelque chose d’étonnant. On a fait deux types de papier : un papier un peu grossier et un papier plus fin. Il avait du mal à réaliser son papier épais. Il ne s’est jamais énervé. Il a toujours tenté et persévéré. Et après, pour la réalisation du papier fin, c’est passé tout seul. Il a enchaîné les papiers les uns après les autres. Incroyable de voir la persévérance. Parfois, on peut imaginer que quand c’est plus technique, on ne va pas y arriver. Et en fait, cela ne s’explique pas. Et il était très fier d’y arriver et il m’a dit « aujourd’hui, c’est mon jour. », quand il a réussi le papier fin.


Quand des enfants ne parvenaient pas à réaliser le travail, ils s’entraidaient. Par exemple, pour un enfant qui n’aimait pas mettre les mains dans l’eau, qui n’était pas à l’aise avec ça, on demandait « qui veut faire un papier pour X ? » Et il y avait toujours un enfant qui se proposait. Il y avait une entraide entre eux ; ce n’était pas chacun son truc.

Quel est ton retour d’expérience ?

SL : J’ai eu beaucoup de chance de travailler avec ces enfants. Ils m’ont appris plein de choses. Qu’ils n’étaient pas si différents des neurotypiques dans l’atelier, en tout cas. Ils ont le même émerveillement, la même curiosité. La différence entre les enfants était sur la motivation : de réussir à les intéresser en trouvant les mots justes pour qu’ils comprennent de quoi il s’agit. Sinon, ils sont plus réfractaires qu’un enfant neurotypique. Comme si le stress pouvait rapidement tout bloquer. Mais ils ont des étoiles dans les yeux. Ils sont très expressifs. Quand ils sont fiers comme ça, ce sont vraiment des paillettes et cela donne une relation incroyable.


Je pense qu’il y a des choses à modifier, à réadapter encore. Par exemple, l’annonce d’un herbier était trop réductrice ; il faut rester le plus large possible pour qu’un enfant puisse se projeter. Trouver une curiosité qui lui, le touche personnellement et pas cibler tout de suite sur un thème. Il y a un carnet… qui sera peut-être un carnet de cuisine.


Pour la fabrication du papier, ils étaient tous surpris de voir que c’était facile à faire et qu’ils avaient les outils chez eux. Ils ont tous dit « je vais pouvoir le refaire chez moi ». Les personnes du staff ont aussi pensé cela. En fait, ils ont accès à une technique qu’ils pouvaient refaire et cela leur a beaucoup plu. Au début, les enfants ne voulaient pas toucher la pâte à papier. Ils craignaient presque la pâte à papier. Au fur et à mesure, ils ont commencé à toucher et à dépasser cette crainte-là, pour finalement jouer avec la pâte à papier. Il y a vraiment eu un contraste entre la pâte qui était repoussante au départ et qui est devenue un objet intéressant à travailler. C’est en mettant mes mains, en montrant que rien ne colle. Et puis le premier jour, c’était avec de l’eau froide et le deuxième jour, avec de l’eau tiède. Le contact était agréable. Et puis, le papier est une texture douce et collante. J’ai montré comment gérer cela et ressortir la main de l’eau en étant sans pâte à papier dessus. Donc ce n’était pas salissant.

Expérience à refaire ?

SL : Si le retour des questionnaires est positif, ce sera avec un grand plaisir en pensant à mieux adapter la thématique. À refaire sans hésiter. Ne pas minimiser le nombre de personnes dans le staff.